Lyon, avril 2008, Institut Paul Bocuse, Monsieur Paul a tenu à venir remettre lui même les diplômes à ses étudiants. Dans une ambiance joyeuse, le monstre sacré de la gastronomie française fait paternellement la bise à chacun des diplômés. Parmi eux, Sophia Rudolph, une jeune allemande qui se souvient parfaitement de ce moment : « il avait une telle présence que j’avais toujours l’impression qu’on le sentait déjà avec nous, avant même qu’il n’entre dans la salle ». 11 ans plus tard, alors que le maitre est parti rejoindre les fourneaux célestes, son regard bienveillant demeure au dessus du passe dans un des restaurants les plus cool de Berlin à deux pas de la célèbre Postdamer Straße : le Panama. En cuisine, on retrouve notre jeune diplômée de l’Institut, passée entre-temps chez Ducasse au Louis XIII, chez les fils Chapel puis au doublement étoilé Weinbar Rutz à Berlin, en tant que sous-chef.
Résultat : les assiettes de Sophia Rudolph ont la même signature qu’une Audi : « vorsprung durch technik » mais avec en prime, ce petit « je ne sais quoi épicé» glané dans les meilleures cuisines du Monde (sud-américaine notamment) le tout lié par une charmante French Touch que la cheffe explique dans un français parfait : « Je suis arrivé en France à l’âge de 13 ans, j’ai vécu 12 ans à Lyon et je peux vous dire que mes parents ne cuisinaient pas allemand ! » Meilleurs exemples de cette fusion créative : une étonnante blanquette où le boeuf allemand remplace le veau, parsemée de pétales de pomme verte ou encore une très rafraîchissante ceviche de bar avocat et concombre.
A l’image d’un Ludo Lefebvre à Los Angeles, Sophia fait partie de ces nouveaux chefs étoilables sans gêne et sans frontières qui n’hésitent pas à s’amuser avec les classiques de la junkfood, il faut vraiment goûter les irrésistibles tacos aux pleurotes et cacahuètes qu’on dévore avec les doigts sans la moindre once de culpabilité.
Sophia s’efforce de travailler des produits locaux même si elle reconnait en souriant que c’est un peu plus difficile que dans le sud de la France. Les rivières de la région ne sont heureusement pas avares de beaux poissons comme cet omble chevalier merveilleusement cuit et servi dans une sauce comme un beurre blanc avec un concombre local cuit et mariné pendant des mois.
L’occasion pour Nick le sommelier de nous faire découvrir quelques réjouissants vins nature autrichiens, totalement méconnus en France.
Sophia fait aussi partie de cette nouvelle génération de chefs entrepreneurs qui ne vivent pas cloitrés dans leur cuisine – elle avoue n’y passer que 30% de son temps. Directrice culinaire au Contemporary Food Lab, elle invente le futur de la restauration, joue les créatives, imagine pour ses clients des nouveaux concepts de restauration, du choix du lieu jusqu’à l’écriture de la carte. Il faut dire qu’avec sa déco hyper stylée, son équipe aux petits soins et son magnifique bar à cocktails, le restaurant Panama constitue déjà une belle vitrine de son savoir-faire.
Peu de temps après notre visite, Sophia a été sacrée « étoile montante de l’année » par un jury d’expert lors de la Berliner Meisterköche – le ministère a eu du flair. Et comme ce sont souvent celles qui ont les plus belle choses à montrer qui se cachent le mieux, cette fascinante bosseuse n’a même pas de compte Instagram pour s’en vanter. « Elle n’aime pas les réseaux sociaux, nous glisse Joshua, le bienveillant directeur dans les yeux duquel on sent une pointe d’admiration pour la plus francophile des food-égéries berlinoises ».
PANAMA
Potsdamer Straße 91, 10785 Berlin, Allemagne
Tél. +49 30 9 83 20 84 35
Le site officiel du restaurant
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